A l’occasion d’Octobre Rose 2023, l’Institut Curie fait le point sur les recherches et les innovations qui permettent de mieux comprendre les cancers du sein et leurs origines. Un enjeu fort pour améliorer la prévention, les diagnostics précoces, les traitements et guérir toujours plus de femmes.

« D’où vient mon cancer du sein, pourquoi moi, pourquoi maintenant ? » : des questions que se posent légitimement les patientes atteintes d’un cancer du sein.

Avec plus de 60 000 nouveaux cas chaque année en France, le cancer du sein reste le premier cancer chez les femmes et la première cause de décès par cancer.

A l’Institut Curie, les chercheurs décortiquent les mécanismes biologiques, génétiques et épigénétiques qui entrent en jeu au moment où la tumeur se forme et se développe. L’enjeu – de taille – est de bloquer les mécanismes le plus précocement possible. Décrypter la complexité de ces phénomènes requiert des recherches pluridisciplinaires, des technologies de pointe et des travaux innovants. Les scientifiques de l’institut mènent de front ces travaux pour apporter des réponses aux patientes et de futures solutions thérapeutiques.

Sur le plan médical, tout est mis en œuvre pour accompagner les femmes. De l’annonce jusqu’à l’après-cancer, des consultations dédiées (annonce, psycho-oncologie…) leur sont proposées pour les aider à faire face.

L’Institut Curie, 1er centre européen de lutte contre les cancers du sein, prend en charge chaque année plus de 7 000 femmes atteintes d’un cancer du sein dont plus de 3 000 nouvelles patientes.

C’est tout l’intérêt de l’Institut Curie : les chercheurs sont au cœur des problématiques des médecins, donc des patientes. La question de l’origine des cancers les animent chaque jour. La compréhension des tout premiers évènements à l’origine du cancer est absolument primordiale car les enjeux et les perspectives sont considérables en matière de prévention, de diagnostic très précoce, avant même l’apparition des signes cliniques de la maladie, mais aussi de prise en charge thérapeutique pour nos patientes

Explique le Pr Alain Puisieux, directeur du Centre de recherche de l’Institut Curie

Comprendre les cancers du sein pour mettre au point les traitements de demain

Identifier l’origine du cancer de chaque patiente est un enjeu fort à l’Institut Curie. C’est une étape indispensable pour faire de la prévention, des diagnostics précoces, adapter les traitements et optimiser toujours plus les chances de guérison.

Une variété de facteurs exogènes et endogènes endommage constamment notre génome tout au long de la vie. Si notre organisme répare sans cesse notre ADN, parfois, les anomalies s’accumulent. Pour les cancers du sein, certains facteurs sont identifiés tels que :

  • L’exposition prolongée aux oestrogènes en lien avec une puberté précoce et une ménopause tardive
  • La prise d’un traitement de la ménopause au-delà de 10 ans
  • Une obésité après la ménopause, ou bien l’alcool
  • L’impact du vieillissement sur nos cellules.

Le développement d’une cellule mammaire devient incontrôlé et un cancer du sein finit par apparaitre.

Il existe une très grande variété de cancers du sein qui présente des caractéristiques différentes, du point de vue génétique, épigénétique et de leur micro-environnement ; ces caractéristiques influençant leur agressivité et leur réponse aux traitements…

Explique le Pr Alain Puisieux.

Cette variété est liée au fait que le développement d’un cancer est un processus dynamique à l’origine d’une grande complexité architecturale, avec des cellules cancéreuses qui évoluent progressivement du fait de la survenue de nouvelles mutations et de l’acquisition d’une plasticité cellulaire exacerbée leur permettant de changer d’identité en réponse aux stress qu’elles subissent. Les équipes de l’Institut Curie s’attachent à comprendre ces phénomènes dès les stades les plus précoces du développement d’un cancer. Mieux appréhender ces phénomènes permet en effet d’identifier de nouveaux points de vulnérabilité des cellules cancéreuses, ouvrant la voie à de nouvelles approches d’interception et de thérapies innovantes, notamment pour les cancers du sein de mauvais pronostic.

Scruter l’origine et la diversité des cancers du sein pour personnaliser les traitements, tel est l’objectif du Dr Céline Vallot, cheffe d’équipe et directrice de recherche au CNRS. Ses travaux portent sur le rôle de l’épigénétique dans l’apparition du cancer du sein triple négatif et l’adaptation des cellules tumorales aux traitements anticancéreux.

Avec mes collègues à l’Institut Curie, nous cherchons à établir les cartes d’identité épigénétiques de chacune des cellules, individuellement, dans une tumeur. Il s’agit d’établir les caractéristiques non pas de la séquence d’ADN elle-même mais des modifications autour de cette séquence qui influencent l’expression des gènes

Explique le Dr Céline Vallot.

Pour y parvenir, nous scrutons les cellules tumorales de la glande mammaire sous le prisme du ‘single cell’ (analyse en cellule unique). Grâce à cette méthodologie d’une précision extrême, nous identifions aux stades les plus précoces les profils épigénétiques responsables de leur plasticité, à savoir leur transformation de cellules saines en cellules cancéreuses. In fine, certaines modifications épigénétiques pourraient nous permettre de développer de nouveaux outils diagnostiques ou d’identifier de nouvelles cibles thérapeutiques pertinentes pour le traitement du cancer du sein triple négatif.

Près de la moitié des cancers du sein et de l’ovaire sont liés à la défaillance de systèmes biologiques qui réparent les cassures de l’ADN. Les chercheurs ont mis en évidence un mécanisme de réparation de l’ADN jusque-là inconnu impliquant une protéine, PolꝊ, capable d’agir pendant la division cellulaire.

Avec mon équipe à l’Institut Curie, nous scrutons les mécanismes que la cellule met en place pour réparer son ADN, permettant notamment la survie des cellules cancéreuses. C’est grâce à la compréhension de tels mécanismes que nous pouvons échafauder de nouvelles pistes pour déjouer le cancer. Nos découvertes sur le rôle et le fonctionnement de la polymérase théta dans le maintien de l’intégrité du génome nous laisse entrevoir des perspectives thérapeutiques nouvelles contre le cancer, notamment du sein et de l’ovaire

explique le Dr Raphaël Ceccaldi, chargé de recherche à l’Inserm et chef d’équipe à l’Institut Curie

Oncogénétique : accompagner les femmes à haut risque de cancers du sein

Une des expertises de l’Institut Curie, internationalement reconnue, est l’oncogénétique. Cela correspond à la détection, la surveillance et la prise en charge des femmes à haut risque de cancers du sein d’origine héréditaire.

5 à 10% des cancers du sein sont diagnostiqués dans un contexte de prédispositions génétiques. La recherche a mis en évidence plusieurs gènes de prédisposition aux cancers sein, dont les formes mutées, transmises dans certaines familles, confèrent un risque important de développer un cancer du sein aux femmes qui en sont porteuses. A l’Institut Curie, nous poursuivons les recherches sur les gènes de prédisposition et parallèlement nous recevons 2 500 femmes en consultation chaque année et réalisons 4 200 tests de prédisposition dont 1 700 pour des consultations d’autres établissements.

Explique la Pre Dominique Stoppa-Lyonnet, médecin, professeure de génétique à l’Université Paris-Cité.

Être au plus près des patientes à tous les stades de la prise en charge du cancer du sein

Les équipes de l’Institut Curie accompagnent les femmes à toutes les étapes : diagnostic, traitements (chirurgie, radiothérapie, traitements médicaux, essais cliniques…), reconstruction, accompagnement psychologique, prise en charge des effets secondaires, de la douleur, prévention, activité physique adaptée, nutrition, après cancer, retour au travail…

Indique le Pr Steven Le Gouill, directeur de l’Ensemble hospitalier de l’Institut Curie.

Ce sont plus de 1 400 professionnels, médicaux et soignants, qui sont au plus près des femmes atteintes de cancer du sein sur les deux sites hospitaliers de l’Institut Curie.

L’annonce du diagnostic est un grand bouleversement pour chacune d’elles. A quoi est dû leur cancer ? Pourquoi elles ? Pourquoi maintenant ? Cela fait partie des premières questions qu’elles se posent et nous posent en consultation

Explique le Pr Le Gouill.

L’accompagnement des patientes dès l’annonce de leur cancer, une priorité

Les équipes de l’Institut Curie, particulièrement celles du département de Soins de support (DISSPO), sont au plus près des patientes. Ce dernier propose plusieurs consultations afin notamment de prendre en charge les femmes qui souhaiteraient disposer d’un soutien psychologique renforcé. Un dispositif d’annonce pionnier a par ailleurs été mis en place à l’Institut Curie dès 2005.

Les infirmières sont au cœur du dispositif d’annonce. Nous proposons un accompagnement adapté aux patientes dans leurs parcours de prise en charge. Nos soignants spécialement formés interviennent après une consultation médicale au cours de laquelle un diagnostic a été annoncé ou un plan de traitement proposé. L’annonce d’un diagnostic de cancer puis du plan de traitement génèrent un flot de questions alors que la patiente est souvent angoissée ou submergée par l’émotion

Précise le Pr Le Gouill.

Ce sont des temps d’échanges dédiés et d’écoute active de la part de l’infirmière, avec une posture adaptée. Il s’agit essentiellement de vérifier ce que les patientes ont compris de l’annonce, de répondre à leurs questions. En même temps qu’elles s’assurent de la compréhension, les infirmières évaluent leurs besoins en soins de support pour éventuellement lui proposer de rencontrer l’assistante sociale, la diététicienne, la psychologue, le gériatre, l’addictologue…

Comprendre l’origine des cancers du sein pour mieux les guérir