Unicancer organise une formation internationale inédite sur l’intelligence artificielle en radio-oncologie, les 15 et 16 janvier au Genolier Innovation Hub en Suisse. Le Dr Arnaud Beddok, qui conduit la formation, nous en détaille les enjeux.

Dr Arnaud Beddok est oncologue radiothérapeute à l’Institut Godinot, à Reims, l’un des 18 Centres de lutte contre le cancer du réseau Unicancer, et chercheur associé dans l’équipe « Intelligence artificielle pour la médecine » du laboratoire CReSTIC de l’Université de Reims Champagne-Ardenne.

En quoi l’intelligence artificielle est-elle devenue un enjeu stratégique majeur en radio-oncologie aujourd’hui ?

Dr Arnaud Beddok : L’intelligence artificielle (IA) se développe rapidement dans le domaine de la santé et change déjà la prise en charge des patients. Les logiciels de contourage que l’on utilise en cancérologie sont en majorité dotés d’algorithmes d’intelligence artificielle qui identifient automatiquement les organes critiques et les tissus sains à protéger en radiothérapie. Cela fait gagner un temps précieux. L’identification des tumeurs est encore une question de recherche, mais qui avance.

Autre sujet de recherche : la préparation automatique des comptes rendus de consultation. Cela permettra aux praticiens d’éviter des tâches administratives qui prennent du temps et, surtout, de se recentrer sur le patient pendant la consultation.

D’autres algorithmes pourront demain faciliter la prise de décision : ils aideront à déterminer les stratégies thérapeutiques les plus adaptées pour chaque patient, en prenant en compte des données cliniques, d’imagerie, des résultats biologiques et génétiques.

L’ensemble de ces outils posent des questions techniques mais aussi éthiques et réglementaires. La réglementation européenne, l’IA Act, impose notamment des formations aux centres cliniques et aux départements de radiothérapie qui vont se doter de l’IA. Il est donc essentiel de renforcer dès maintenant les compétences des professionnels sur ces thématiques émergentes.

Vous avez donc conçu une formation sur l’intelligence artificielle en radio-oncologie qui aura lieu en janvier en Suisse. À qui s’adresse-t-elle en priorité et quels bénéfices immédiats les participants peuvent-ils en attendre dans leur pratique ?

A. B. : Cette formation, qui comprend une journée complète et une matinée optionnelle d’ateliers pratiques, s’adresse d’abord aux radiothérapeutes et aux physiciens médicaux. Certifiée Qualiopi, elle leur permettra, dans un premier temps, de mieux comprendre comment fonctionnent les algorithmes qu’ils utilisent déjà en routine clinique – ce qu’est l’IA, comment elle s’applique en radio-oncologie, comment sont traitées les données, etc.

Ensuite, les apprenants entreront dans le détail du fonctionnement d’un algorithme de contourage automatique, de fusion entre les images et d’adaptation online. Cela permettra aux personnes qui ont envie d’aller plus loin, et éventuellement de développer de nouveaux algorithmes, d’avoir les clés pour le faire. Cela peut aussi intéresser les chercheurs en IA à la recherche d’une application pratique pour tester leurs algorithmes.

Mais cette formation n’est pas seulement technique, elle propose un programme complet original qui inclut également la législation autour de l’IA, ainsi que les enjeux éthiques et médico-économiques. Quelles sont les limites de l’utilisation de ces algorithmes pour analyser des données et des images, pour prendre des décisions ? comment le patient doit-il être informé ? quel sera l’impact de l’utilisation de l’IA sur les processus et la productivité en radiothérapie ? Ces informations concrètes concernent également les chefs de laboratoire, directeurs d’établissement ou d’unité. Elles permettront une utilisation rationnelle et informée de l’IA.

Vous organisez cette formation dans un lieu emblématique, le Genolier Innovation Hub : qu’est-ce que cela apporte ?

A. B. : Le Genolier Innovation Hub, reconnu pour ses infrastructures dédiées à l’innovation médicale, met à disposition une salle équipée d’écrans de très haute résolution. Ceux-ci permettront notamment d’aborder la question des hallucinations de l’IA – un sujet d’importance capitale en oncologie radiothérapie. Lorsque l’IA ne sait pas, plutôt que de le dire, elle produit un contenu vraisemblable pour combler ce manque de connaissance. Vraisemblable mais pas vrai. Les conséquences en médecine peuvent être très importantes. Le Genolier Innovation Hub nous permettra de montrer des exemples visuels riches d’enseignements. Il y aura donc tout ce qu’il faut, d’un point de vue technique, pour que l’expérience des orateurs et des apprenants soit la plus agréable possible, et que les interactions soient fructueuses.

Pourquoi faire intervenir des experts internationaux ?

A. B. : Notre formation, proposée en anglais et ouverte à un public international, réunit des intervenants reconnus dans leur domaine. C’est une véritable opportunité pour les auditeurs qui bénéficieront d’enseignements de pointe. La qualité du programme nous a d’ailleurs permis d’obtenir le soutien officiel de l’ESTRO, ce qui contribue au positionnement d’Unicancer comme acteur de référence sur la scène mondiale en innovation clinique et technologique.

À terme, imaginez-vous développer d’autres formations de haut niveau en IA appliquée à la cancérologie ?

A. B. : Absolument. Cette formation est un point de départ. D’autres formations ou webinaires d’Unicancer Formation pourront la compléter, aller davantage dans les détails sur certains sujets. Un premier webinaire a d’ailleurs déjà eu lieu sur la segmentation automatique. La thématique est riche et capitale pour le futur de la cancérologie : il est indispensable de former l’ensemble du corps médical.