L’Institut Curie, membre du réseau Unicancer, lance le projet de médecine de précision PEVOdata, avec 5 autres équipes européennes, dans le but d’identifier de nouvelles voies thérapeutiques chez des patients touchés par un carcinome épidermoïde en récidive dans plusieurs localisations (sphère ORL, poumon, col de l’utérus, vulve, pénis, canal anal), un type histologique fréquent de cancer. Ce qui fait l’intérêt de ce projet européen, c’est qu’il permettra d’accumuler un grand nombre de données cliniques et biologiques, qui pourront à terme bénéficier à un grand nombre de patients. 

Le projet PEVOdata vise à évaluer une approche thérapeutique très innovante en oncologie : la combinaison d’une immunothérapie et d’un médicament agissant sur l’épigénétique, c’est-à-dire l’étude des changements dans l’activité des gènes, qui n’impliquent pas de modification de la séquence d’ADN. Cette double approche médecine innovante / data est aujourd’hui cruciale pour appréhender de nouvelles stratégies thérapeutiques et comprendre les mécanismes de résistance des médicaments.

« En situation de rechute, les options thérapeutiques sont limitées. Chez les patients atteints de carcinomes épidermoïdes en récidive, l’immunothérapie permet un taux de réponse d’environ 20% avec 10% des patients qui répondent pendant très longtemps, et ce quelle que soit la localisation de la tumeur initiale. Nous souhaitons augmenter le nombre de patients qui répondent pendant très longtemps en associant à l’immunothérapie un médicament agissant sur l’épigénétique », explique le Pr Christophe Le Tourneau qui pilote le projet européen PEVOdata.

L’équipe du Pr Christophe Le Tourneau, chef du Département d‘Essais Cliniques Précoces (D3i) à l’Institut Curie, a remporté l’appel à projet européen EraPermed. « PEVOdata sera mené en lien avec l’équipe de Xosé Fernández, directeur des Data à l’Institut Curie et avec cinq autres équipes européennes », se réjouit Maud Kamal coordinatrice scientifique du projet.   

 

 

 

Objectifs de PEVOdata 

  • Evaluer l’efficacité de l’association d’une immunothérapie avec un médicament agissant sur l’épigénétique. 
  • Etudier les biomarqueurs prédictifs de la réponse à ce traitement. 
  • Développer un outil (algorithmes) pour faciliter l’inclusion des patients dans les essais cliniques appropriés.
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D’une durée de 3 ans, ce projet innovant coûtera 2,6 millions d’euros, dont 1,6 million d’euros est financé dans le cadre de l’ERA Net ERA PerMed avec un financement ANR4 d’environ 500.000 euros pour les deux équipes françaises. L’appel à projet 2018 de l’ERA PerMed a été cofinancé par la CE. La Fondation ARC pour la recherche sur le cancer soutient également le projet à hauteur de 450.000 euros. 

Ce qui fait l’originalité du projet PEVOdata, c’est non seulement un essai clinique « basket » (voir ci-contre) – mené sur une centaine de patients traités par une association innovante d’une immunothérapie avec un médicament agissant sur l’épigénétique, mais également l’intégration inédite de multiples sources de données cliniques et biologiques en vue de pouvoir les exploiter au maximum pour les patients atteints de cancer. L’intégration des données biologiques et cliniques servira donc à améliorer les méthodes de collecte et de gestion des données et permettra le développement d’un module (algorithmes) pour faciliter l’inclusion des patients dans les essais cliniques appropriés.  
 
« Il s’agit de développer un outil d’aide à la décision pour les médecins : savoir à quel moment proposer un essai et si le patient est éligible à un ou plusieurs essais cliniques. L’objectif est d’accélérer l’inclusion dans les essais cliniques et d’optimiser le parcours patient », précise Xosé Fernández, directeur de Data à l’Institut Curie. 

L’essai clinique PEVOdata repose sur l’association du vorinostat5, un médicament utilisé contre les lymphomes cutanés, et d’une immunothérapie déjà largement utilisée (le pembrolizumab), chez des patients touchés par un carcinome épidermoïde en récidive dans plusieurs localisations (sphère ORL, poumon, col de l’utérus, vulve, pénis, canal anal), un type histologique fréquent de cancer.   
 
« Notre hypothèse est que l’association immunothérapie/épi-médicament sera plus efficace », précise le Pr Le Tourneau. 

 

Qu’est-ce qu’un essai basket ? 

Habituellement on étudie les cancers selon leur localisation dans le corps. Grâce à la cartographie du génome, ils peuvent être catégorisés selon leurs mutations. L’intérêt est que certains types de cancers partagent les mêmes mutations génétiques. 

Au contraire des essais cliniques classiques où l’on teste un médicament pour un type de cancer, les essais basket visent à tester de nouveaux traitements ciblant une ou plusieurs mêmes mutations, partagée(s) dans différents types de cancers. Ici, il s’agira de donner un même traitement à différentes cohortes de patients touchés par des carcinomes épidermoïdes de multiples localisations (sphère ORL, poumon, col de l’utérus, vulve, pénis, canal anal) à un stade avancé.

Et pour cause : ces tumeurs présentent des altérations moléculaires similaires qui justifient des stratégies thérapeutiques communes.  Cela ouvre de nouvelles perspectives thérapeutiques qui vont au-delà des traitements classiques pour traiter un plus grand nombre de patients. 

 

 

Promu par Unicancer dans le cadre de l’activité de recherche de son groupe Médecine personnalisée, cet essai clinique vise à la fois à évaluer l’efficacité de l’association thérapeutique et à récolter une très grande quantité de données, génétiques, moléculaires, cliniques… qui seront analysées pour essayer d’identifier des marqueurs de réponse au traitement. 

 

 

Pour en savoir plus :

 

Essais précoces en cancérologie : facteurs de progrès pour les patients 

Les essais cliniques précoces (phases I et II) représentent les phases initiales de développement des traitements, avant leur commercialisation. Les patients peuvent ainsi accéder à des médicaments innovants et prometteurs mais ne disposant pas encore d’autorisation de mise sur le marché, ce qui est un espoir supplémentaire dans leur parcours de soin.  
 
Dans le Département d‘Essais Cliniques Précoces (D3i) de l’Institut Curie créé en 2018 et dirigé par le Pr Christophe Le Tourneau, des patients atteints de tous types de cancers sont traités : cancers du sein, cancers ORL, cancers gynécologiques, digestifs, thoraciques et urologiques…  Les principales thématiques sont les suivantes :

  • Essais de nouveaux médicaments de mécanismes d’action variés dont immunothérapie, thérapies ciblées, médicaments agissants sur l’épigénétique, nanoparticules, etc.
  • Essais d’associations de nouveaux médicaments entre eux ou en association avec la radiothérapie.
  • Essais de médecine de précision dans lesquels un médicament est sur la base d’une altération moléculaire identifiée. Ces médicaments peuvent être des thérapies ciblées ou une immunothérapie.  

 

Chiffres clés Institut Curie

  • 70 essais précoces (phases I et II) menés
  • 381 patients inclus dans des essais précoces 
  • 2 357 patients suivis au D3i  
 

 

La mise en œuvre d’essais précoces nécessite un travail d’équipe pluridisciplinaire autour du patient, à la fois humain et technique, qui associe des expertises médico-scientifiques complémentaires : oncologie, radiothérapie, chirurgie, anesthésie-réanimation, soins infirmiers, anatomopathologie, génétique, immunologie, imagerie, radiologie, médecine nucléaire, pharmacologie et pharmacie, biostatisticiens, data managers, attachés de recherche clinique… L’inclusion des patients dans des essais précoces à l’Institut Curie repose largement sur la RCP moléculaire (réunion de concertation pluridisciplinaire), coordonnée par Maud Kamal, qui dirige la cellule de coordination scientifique au sein du D3i. L’objectif est de réaliser le portrait moléculaire de la tumeur des patients afin de les inclure dans des essais cliniques précoces les plus adaptés. 
 
« Le développement de nouveaux médicaments passe par plusieurs étapes avant d’être commercialisés. Une des étapes les plus importantes est la première administration chez des patients, ce que l’on appelle les essais de phase I « first-in-human », explique le Pr Christophe le Tourneau. 
 
Le D3i fait partie des 15 centres de phase précoce labélisés pour les essais adultes et pédiatriques par l’INca (CLIP2) et a obtenu l’autorisation de l’HAS pour la réalisation des essais de phase I dits « first-in-human ». Le D3i est reconnu au niveau international pour son expertise : interventions du Pr Le Tourneau dans de nombreux congrès internationaux, membre du comité essais précoces de l’ASCO (American Society of Clinical Oncology), grand congrès de cancérologie qui a lieu tous les ans et qui es le théâtre d’annonces importantes en termes de recherche et de traitements contre les cancers ainsi que de  l’ESMO, (European Society of Clinical Oncology), un congrès fort de la cancérologie européenne qui a lieu tous les ans, membre du Conseil scientifique et président de la commission nationale de recherche clinique de la Fondation ARC, président du Groupe Essais Précoces de UNICANCER et vice-président du groupe MedPerso de Unicancer depuis mai 2019.