Le Pr Thierry Conroy, oncologue spécialiste des cancers digestifs et directeur général de l’Institut de Cancérologie de Lorraine, a, en tant que coordinateur de la recherche, présenté lundi 4 juin à Chicago lors du congrès de l’American Society of Clinical Oncology (ASCO) les résultats de l’étude Prodige 24-PA.6.

Cette étude promue par Unicancer évalue les effets d’une nouvelle chimiothérapie de précaution (« adjuvante ») chez des patients opérés d’un adénocarcinome canalaire du pancréas, la forme la plus fréquente de cancer du pancréas. Il s’agit d’une étude internationale, de phase III, multicentrique et comparative conduite en France et au Canada avec la collaboration du Groupe canadien des essais sur le cancer (CCTG), financée en France par le Ministère de la Santé et par la Ligue nationale contre le cancer.

Une augmentation de survie significative dans le cancer du pancréas localisé avec le protocole FOLFIRINOX

Pour la première fois, une association de chimiothérapies montre un bénéfice marquant en traitement adjuvant du cancer du pancréas par rapport à la chimiothérapie de référence, la gemcitabine. Ceci se traduit notamment par une augmentation importante de la survie des patients. Nous avons été heureux de voir que les résultats de cette étude étaient meilleurs que ce que nous attendions lorsque nous avons élaboré l’essai en 2012. Pr Thierry Conroy

L’étude Prodige 24-PA.6 (NCT01526135) a évalué l’efficacité d’une polychimiothérapie, le FOLFIRINOX (oxaliplatine, acide folinique, irinotécan et 5-fluorouracile) par rapport au traitement de référence, la gemcitabine, chez des patients ayant été opérés d’un cancer du pancréas localisé. Elle s’inscrit dans la continuité d’une étude dont les résultats publiés en 2011 dans le New England Journal of Medicine avaient démontré l’intérêt majeur du schéma FOLFIRINOX pour les patients en situation de cancer du pancréas métastatique.

Cette étude internationale a inclus 493 patients issus de 77 centres en France et au Canada. Avant leur inclusion dans l’étude, les patients avaient été opérés afin de retirer leur tumeur. Ils ont ensuite reçu un traitement adjuvant de 6 mois par gemcitabine ou par FOLFIRINOX dans le but d’éliminer les cellules cancéreuses résiduelles.

Le recul de suivi médian des patients est de 33,6 mois, ce qui est suffisant pour estimer l’efficacité des deux traitements. Pour les patients ayant reçu le FOLFIRINOX en complément de la chirurgie, le temps médian avant l’apparition d’une éventuelle récidive a reculé de 9 mois en comparaison des patients ayant reçu le traitement de référence par gemcitabine. De même, le temps médian avant l’apparition d’éventuelles métastases a lui été reculé de plus d’un an (30,4 contre 17,7 mois). La survie globale a augmenté de manière significative, celle des patients ayant reçu le FOLFIRINOX étant supérieure de 19,4 mois à celle des patients traités avec la gemcitabine (54,4 mois contre 35,0 mois).

De tels résultats n’avaient jamais été atteints à ce jour avec aucun traitement adjuvant : ceci va permettre de guérir plus de patients.

Il est à noter que malgré son efficacité supérieure, le FOLFIRINOX a un taux d’effets indésirables plus élevé que la gemcitabine. Ces effets affectent 75% des patients dans le groupe FOLFIRINOX contre 51% dans le groupe gemcitabine, et sont majoritairement d’ordre hématologique (baisse des globules blancs et des plaquettes). Sous FOLFIRINOX, un épisode sérieux de diarrhée est survenu au cours des 6 mois de chimiothérapie chez 18% des patients, le plus souvent lors des deux premières cures de chimiothérapie.

Nouvelles perspectives et enjeux

Cette étude démontre la supériorité du FOLFIRINOX sur la gemcitabine en termes d’efficacité et pourrait devenir le nouveau standard dans le traitement des patients atteints du cancer du pancréas non-métastatique dont la tumeur est opérable.

Le nouvel enjeu va consister à déterminer la séquence thérapeutique optimale pour les patients. En effet, ceux-ci pourraient à terme bénéficier d’un schéma de traitement initiant la chimiothérapie avant la chirurgie (traitement néoadjuvant), afin de détruire les micro-métastases non détectables, réduire la taille de la tumeur primaire et ainsi augmenter les chances de retirer complètement la tumeur. Le FOLFIRINOX serait un bon candidat pour un traitement néoadjuvant. Une autre option serait de délivrer la moitié du traitement de chimothérapie avant, puis l’autre moitié après la chirurgie (chirurgie périopératoire). Des essais cliniques sont actuellement en cours de réalisation pour tester ces deux hypothèses.

Unicancer GI PRODIGE 24/CCTG PA.6 trial: A multicenter international randomized phase III trial of adjuvant mFOLFIRINOX versus gemcitabine (gem) in patients with resected pancreatic ductal adenocarcinomas.

Présentation orale de Pr Thierry Conroy –Institut de Cancérologie de Lorraine, Nancy

Session : Gastrointestinal (Noncolorectal) Cancer

Lundi 4 juin, 15h12 (heure locale)

Lieu : Arie Crown Theater

Abstract n° LBA4001

À propos du cancer du pancréas

L’agence Santé publique France (anciennement Institut de Veille Sanitaire) a estimé en 2015 à environ 11 300 le nombre de nouveaux cas annuels de cancer du pancréas en France. Parmi les cancers du pancréas exocrine, l’adénocarcinome canalaire pancréatique représente 90 à 95 % des formes de ce cancer. La grande majorité des personnes diagnostiquées a plus de 60 ans. Le diagnostic est le plus souvent réalisé à un stade avancé du fait d’une expression clinique tardive de la maladie. Seuls 15% à 20% des patients sont diagnostiqués à un stade où la tumeur est résécable et, lorsqu’elle est possible, la chirurgie est le traitement principal du cancer du pancréas.

Tous stades confondus, la survie à 5 ans est en France de 6 à 7% (données 1989-2010). Chez ces patients opérés, la chimiothérapie adjuvante par gemcitabine prolonge la survie par rapport à la chirurgie seule et augmente de manière significative la proportion de patients chez lesquels le cancer n’est pas réapparu.

À propos de Prodige 24-PA.6

Promue par Unicancer l’étude PRODIGE 24-PA.6 a reçu un financement du ministère de la Santé dans le cadre de l’appel à projet PHRC-K 2011, et a bénéficié du soutien de la Ligue contre le cancer.  L’étude PRODIGE 24-PA.6 a été financée au Canada par la société canadienne du cancer (Canadian Cancer Society) et l’évènement annuel « 7 days in May », une course cycliste caritative permettant des levées de fonds dans le but de financer la recherche sur le cancer du pancréas et spécifiquement PRODIGE 24-PA.6.