Une recherche promue par l’Institut Paoli-Calmettes propose une nouvelle stratégie basée sur la prédiction de l’évolution de la maladie et de la sensibilité des patients au protocole de chimiothérapie, actuellement en vigueur.

 

Marseille, le 28 septembre 2020 – Des chercheurs du Centre de recherche en cancérologie de Marseille (CRCM) et des cliniciens de l’Institut Paoli-Calmettes (IPC) en collaboration avec des bio-informaticiens du programme CIT de la Ligue contre le cancer ont participé, dans le cadre d’un consortium français, à une étude clinique promue par l’IPC. Cette étude propose une nouvelle stratégie pour déterminer le grade d’agressivité et la chimiosensibilité des cancers du pancréas. Cette stratégie repose sur une signature moléculaire – le profil des ARNs produits par les cellules cancéreuses – et permet de prédire l’évolution de la maladie ainsi que sa sensibilité au protocole de chimiothérapie actuellement en vigueur. Cette nouvelle signature appelée PAMG (Pancreatic adenocarcinoma molecular gradient) devrait permettre de mieux déterminer le traitement plus efficace pour chaque patient atteint d’un cancer du pancréas.

Le cancer du pancréas est un cancer particulièrement agressif, mais le pronostic précis d’évolution de la maladie est difficile à établir, les patients nouvellement diagnostiqués ont une espérance de vie qui varie de 3 mois à plus de 5 ans. Une méthode prédictive précise et applicable à tous les patients améliorerait considérablement leur prise en charge en identifiant le traitement le plus approprié, y compris de déterminer l’intérêt de la chirurgie et l’utilisation de protocoles de polychimiothérapie. La caractérisation histologique des tumeurs, praticable seulement dans 20 % des cas n’a pas montré d’utilité prédictive. Ainsi, actuellement, les décisions thérapeutiques sont prises sans aucune information des caractéristiques moléculaires du matériel tumoral.

L’équipe dirigée par Juan Iovanna et Nelson Dusetti au CRCM s’est concentrée au cours des dernières années sur la caractérisation moléculaire de l’hétérogénéité des tumeurs pancréatiques, avec pour but de permettre la mise en place d’approches de médecine personnalisée et de précision pour la prise en charge des patients, c’est-à-dire l’adaptation du traitement aux caractéristiques moléculaires de la tumeur de chaque patient.

Dans cette recherche promue par l’Institut Paoli-Calmettes et menée en collaboration avec l’Assistance publique des hôpitaux de Marseille, le programme BACAP dirigé par le Centre hospitalo-universitaire de Toulouse, l’Université Paris 7 et le programme « Carte d’identité des tumeurs » de la Ligue nationale contre le cancer, les chercheurs ont utilisé des biopsies de patients pour les étudier par des technologies de séquençage à haut débit (essai clinique PaCaOmics (NCT01692873).

Cette étude a permis l’analyse de l’expression génique globale de ces tumeurs (profilage transcriptomique) identifiant ainsi une signature d’ARN définissant un gradient moléculaire du cancer pancréatique (PAGM). Cette signature est hautement prédictive de la survie globale du patient et a été validée dans trois séries indépendantes de cancers du pancréas représentant un total de 679 patients, dont 60 patients de la cohorte BACAP (NCT02818829) pour lesquels du matériel tumoral a été obtenu directement des biopsies diagnostiques (EUS-FNA). Il est important de mentionner que cette procédure permet d’obtenir la signature PAGM en utilisant des quantités infimes de matériel tumoral, étendant ainsi le domaine d’applicabilité de cette signature à toutes les formes d’échantillons pouvant être obtenus pour des cancers pancréatiques. En d’autres termes, tous les patients avec un cancer du pancréas pourraient être évalués.

La signature PAGM permet d’établir le grade d’agressivité d’une tumeur de manière très fine sur la forme d’un gradient avec une valeur précise pour chaque patient, alors que les classifications actuellement utilisées sont simplement binaires. L’extrême précision qu’apporte la signature PAGM améliore considérablement la caractérisation des cancers du pancréas, avec une valeur pronostique plus élevée. On est passé, en quelque sorte, du blanc et noir à une gamme très large de gris qui permet de préciser le diagnostic et par conséquence de prédire le pronostic. 

De façon importante, la signature PAMG est également prédictive de la réponse au protocole de chimiothérapie mFOLFIRINOX, la plus couramment utilisée pour la chimiothérapie des cancers du pancréas. Par conséquent, cette signature transcriptomique informera les cliniciens de la sensibilité de chaque patient à ce traitement a priori, et leur permettra ainsi de prendre une décision éclairée sur le médicament à administrer à chaque patient. Cela évitera des traitements inutiles, des effets secondaires lourds et des dépenses de santé publique non nécessaires.

Référence :

Establishment of a Pancreatic Adenocarcinoma Molecular Gradient (PAMG) that predicts the clinical outcome of
pancreatic cancer

Nicolle R, Blum Y, Duconseil P, Vanbrugghe C, Brandone N, Poizat F, Roques J, Bigonnet M, Gayet O, Rubis M, Elarouci N, Armenoult L, Ayadi M, de Reynies A, Giovannini M, Grandval P, Garcia S, Canivet C, Cros J, Bournet B, Buscati L, BACAP Consortium, Moutardier V, Gilabert M, Iovanna J & Dusetti N. EBioMedicine 2020, Jul;57:102858.

doi: 10.1016/j.ebiom.2020.102858

https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7334821/

L'identification d'une signature moléculaire permet la personnalisation des traitements des cancers pancréatiques